Jeudi 21 mai 2015

RAGE RAGE RAGE

Il ne me reste, peut-être, un peu, pour m'en sortir, que l'écriture.

 

Cette contradiction en moi : l'idée qu'il faut s'accrocher, qu'il faut accrocher les choses, ça entre périodiquement en opposition brutale avec les gens "qui ne se bougent pas". Il y aurait de quoi finir libéral.

Dimanche 16 mai 2015

            Hier soir poker ! Je n'avais plus joué depuis longtemps, j'ai mis à profit ma petite expérience des sports d'hiver avec les Cotinat.

Ca reste un très beau jeu, avec des situations où il faut la boucler et laisser le social faire son oeuvre et ne pas sciller dans un sens ou dans un autre : un peu comme dans les entretiens sociologiques que je fais toute la journée où il y a des moments de tension, de négociations non-dites, sans que personne n'y puisse rien, il ne faut alors pas s'agiter pour les combler, il faut garder une certaine stabilité dans la gîte, et laisser les choses se faire. Et en même temps c'est un jeu idiot, inutile, comme le tennis avec ce rectangle et une balle que deux joueurs s'échinent à renvoyer. Ce sont des techniques, voir quels sont les atouts des uns et des autres en fonction du terrain de jeu, et des endroits où peuvent s'exercer nos esprits vils, où ça devient asumable de mentir, de truquer, de construire une stratégie.

 

            Avant cela j'avais discuté avec Langelot sur son film en Grèce, et sur les relations de tension qui ne manquent pas d'arriver entre le réalisateur et son producteur, entre le doctorant et son directeur de recherche, entre le cuisiner et le propriétaire du restaurant : tout le monde pousse dans le même sens (avoir un resto qui tourne, écrire une bonne thèse, réaliser un bon film) mais pas à n'importe quel prix et répartition des gains. Antoine et moi avons ceci en commun que nous pouvons parler de ces rapports de force, et en outre sans pousser de hauts cris.

Vendredi 14 mai 2015

            Aujourd'hui soirée de campagne de la liste municipale dont mon ami Rafa va en 5ème position. C'est une liste issue d'une coalition entre le parti d'extrême-gauche espagnol (Izquierda Unida, IU) et le mouvement citoyen Guanyem ("nous gagnons" en catalan et valencien) impulsé notamment par des activistes barcelonais anti-expulsion locatives. Dans les deux cas il ne s'agit que de petits groupes bien loin de quelque mouvement de masse que ce soit, mais ensemble ça commence à faire un bon groupe, et avec l'argent du parti d'extrême-gauche qui avait 2 conseillers municipaux ça fait une belle campagne.

D'où la scène de ce soir et une centaine de personnes sur cette petite place du coeur historique de la ville (26 000 habitants), devant une grande église majestueuse et à côté de l'ancienne mairie devenue aujourd'hui le commissariat. Se sont succédés à la tribune les premiers de la liste. Rafa a fait un discours enflammé comme les dictateurs d'Amérique Latine, parlant de l'économie qu'il faut se réapproprier, et mettant en avant son expérience de chômeur-militant pour réclamer de l'emploi et empêcher les expulsions locatives. Mais le parterre était surtout rempli de petits vieux qui votent pour les deux partis traditionnels, et donc à voir quel résultat ils vont faire.

Comme Rafa est très engagé dans la campagne mais que pour diverses raisons il n'est que 5ème de liste, j'ai peur qu'il ne soit pas élu, aussi je m'en vais de ce pas préparer un plan "anti-dépression" pour soulager son probable blues post-électoral ...

Lundi 11 mai 2015

            Aujourd'hui curieuse journée. Deux entretiens où j'ai à nouveau été pris à la gorge par la misère, le dénuement pur et simple. J'ai essayé d'en prendre notes comme j'ai pu. Quelques tâches administratives, de celles qu'on entreprend le lundi pour que plus tard les trains arrivent à l'heure.

            Puis en ne sachant qu'écouter au déjeuner, je me suis pris à voir un des derniers épisodes de "Otra vuelta de Tuerka", cette série d'entretiens de Pablo Iglesias, le leader de Podemos, avec des personalités politiques ou universitaires : surprise, l'invité n'est autre que Juan-Carlos Monedero, le numéro 3 de Podemos qui a démissionné il y a deux semaines (voir ci-dessous carnet du 1er mai 2015).

Monedero : professeur de sciences politiques à Madrid où il est né en 1963, des lunettes rondes de théoricien d'extrême-gauche, avec un petit veston par-dessus sa chemise.

Tout le début de l'entretien resemble fort à de la propagande en règle entre deux politiciens qui se connaissent bien, sur l'éducation religieuse de Monedero qui déjà défendait ses camarades opprimés, sur son ardeur au travail héritée de son épicier de père, et sur son parti pris contre la dictature de Franco dès ses 11 ans. Monedero n'est pas avard de vantardises. Ensuite il va à l'université, étudie les sciences politiques avec quelques prof qui l'ont marqué, part en Allemagne en 1989 pour faire une thèse de philosophie politique sur l'opposition entre Kant et Hegel qui se transformera en une étude de la faillite du système socialiste d'Allemagne de l'est, devient professeur titulaire et conseiller du parti espagnol d'extrême-gauche Izquierda Unida (IU) de 2000 à 2005 avant de partir en Amérique Latine comme conseiller politique et d'en revenir peu avant la mobilisation du 15 Mai de 2011.

            Mais le plus intéressant est ce triple geste politique que font aujourd'hui Monedero et Podemos :

1/ faire explicitement table rase de certains présupposés d'extrême-gauche (la mise en commun des moyens de production, les idées d'une avant-garde du prolétariat menée par un parti unique ou que la fin justifie les moyens),

2/ tacler violemment la génération politique de la transition qu'incarnent des figures corrompues comme Jordi Puyol ou Felipe Gonzalez,

3/ prendre au bond "la fenêtre d'opportunité qu'ont marqué la crise et le mouvement du 15 mai 2011 (15-M), en mettant en lumière ce problème historique de notre économie qui est le chômage ("desempleo") et sa corrélation très forte ("elasticidad maxima") entre le taux de chômage et le taux de croissance positif ou négatif de l'économie. (...) C'est dans ce contexte qu'il y avait un type avec une queue de cheval (Pablo Iglesias, celui qui est justement en train d'interviewer Monedero) qui énonçait ces problèmes de manière à ce qu'il devenait obligatoire de se positionner, de prendre position, et impossible de taire ses choix politiques".

            Bref, entretien étonnant aussi par la critique que Monedero adresse aux sondages d'opinion au fond éloignées de l'agir politique en jeu, par une apparente liberté de paroles sur les divergences au sein de Podemos, et par la capacité d'écoute de Pablo Iglesias que j'avais déjà remarquée sur les plateaux de télévision où il ne coupe jamais la parole et semble toujours d'un calme olympien.

Samedi 9 mai 2015

            L'Espagne : un pays où dans la plupart des hôpitaux une couchette est prévue pour le membre de la famille qui restera dormir avec la malade, où un appartement acheté 60.000 euros en 2004 valait 200 000 en 2007 et aujourd'hui 80 000, et où le temps de parole et la taille du panneau d'affichage de chaque parti sont directement proportionnels au nombre de votes obtenus au scrutin d'il y a quatre ans. 

Pays de personnes qui si possible mangeraient avec leurs parents et fraterie tous les midis, qui ont cru un moment devenir riches pour de vrai et relayer aux oubliettes de l'histoire la misère des grands-parents, ceux-là mêmes qui aujourd'hui continuent de cautionner l'ordre conservateur qui a toujours prévalu.

"Qué ? Todo eso es logico. Eso es España" comme ils disent.

Vendredi 1er mai 2015

            Vu le soir "Novecento", le film de 5h en 2 épisodes de Bernardo Bertolucci racontant l'histoire de la première moitié du XXème siècle à travers une exploitation agricole qui met aux prises les travailleurs avec les patrons, les communistes et les fascistes, les hommes et les femmes. J'ai mis des plombes à reconnaître Depardieu tant il est jeune. Ca m'a plu parce que c'est long et qu'on peut se plonger dedans, parce que c'est bien réalisé, parce que les personnages sont complexes, parce que des forces collectives et sociales sont en jeu - les fameuses destinées des uns et des autres. Pourtant le film donne une vision du fascisme italient à laquelle je ne suis pas sûr d'adhérer jusqu'au bout, en insistant certes sur le côté "vigueur corporelle" et sur les logiques sociales d'embrigadement dans le fascisme (à travers ce personnage d'Attila qui est un parvenu aux dents longues), mais du coup se mettent au second plan les logiques économiques qui font que des grands entrepreneurs qui ont soutenu délibérément et de toutes leurs forces le fascisme contre le communisme montant à l'époque. Dans le film on ne comprend pas bien pourquoi De Niro devenu propriétaire terrien ne licencie pas Attila son contre-maître fasciste, si ce n'est par rivalité amoureuse avec le prolétaire et parce qu'il est perdu. Enfin, le film se finit sur une grande ode au communisme d'après-guerre, où d'après le carton du début je suppose qu'elle est tournée avec des figurants du village du coin, en 1976.

 

            Aujourd'hui démission du n°3 du parti politique Podemos, Juan Carlos Monedero, professeur de sciences politiques à l'université Complutense de Madrid qui a formé les deux jeunes leaders du parti et qui en était fondateur avec eux. Difficile de savoir ce qui s'est joué exactement, Monedero a fait quelques déclarations faisant état de divergences internes liées à la focalisation actuelle du parti sur les élections législatives de novembre : lui pense qu'il ne faut pas adopter outre-mesure une logique électoraliste qui conduirait le parti à devenir comme les autres, et à rompre avec son ancrage originel dans les mouvements sociaux. Les médias disent que le n°2 serait au contraire en faveur de cette logique électoraliste à outrance, en se mettant au diapason en termes de campagne, de communication, et de promesses électorales dont on peut douter qu'elles seront tenues. Le leader, Pablo Iglesias, actuellement élu député espagnol au parlement européen, est semble-t-il partagé à ce sujet. Tous disent être des amis en bons termes, difficile pour l'instant de savoir dans quelle mesure ont lieu des batailles de tranchées entre eux et dans quelle mesure cette image de divisions internes va leur être préjudiciable. Une autre version serait de dire que les deux jeunes leaders ont gentimment évincé leur ancien prof qui devenait un poids-lourd avec son franc-parler parfois encombrant, et ses affaires de revenus de 450.000 € pour des missions de conseil en Amérique du Sud qu'il avait plus ou moins déclaré au fisc et de CV frauduleux, qui font évidemment les choux gras des médias espagnols détenus par de grands groupes financiers opposés à Podemos.

J'ai demandé à Rafa ce qu'il en pensait, il n'y voit pas plus clair que moi, il pense que cette tension entre logique électoraliste et ancrage dans les mouvements sociaux d'extrême-gauche traverse Podemos depuis sa fondation et son congrès d'Alegre (novembre 2014).

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  • « Je m'appelle Pit, alias Corto Jardenn Bonaventure, j'ai fait beaucoup d'études et puis j'en ai eu marre, alors j'ai fait une pause avant de reprendre - histoire de m'interroger encore un peu. Entreprise ratée ou réussie, je ne sais. Je suis jeune, avec tout ce que ça suppose de parti pris, d'audace, de certitudes absolues, de désarroi, et de ratés. »