Jeudi 25 février 2015
Aujourd’hui départ à Brussel avant l’installation des étals de la zone, charcutée d’ailleurs par des travaux.
Puis, l’après-midi, lectures et dialogues vers l’Espagne. Un doux sentiment de désoeuvrement que je laisse venir et qui comble un vide légèrement inquiétant.
Samedi 20 février 2016
Ce matin, c’est samedi, et donc mon habituel café à côté du métro est fermé. J’opte pour un autre à côté de chez moi, café et croissant. De là je peux observer la mise en place de « la zone », c’est-à-dire cette suite d’étals tenus par des pakistanais à même le trottoir. D’abord la structure en fer, puis des bâches rayées avec des pinces pour les tenir, enfin la marchandise : des téléphones (« Fix a phone – delocking, repairing & accessories), des sacs à main, des vêtements, des foulards, des légumes. Ils se saluent, d’autres passent avec des chariots. Le petit commerce de « la zone » se met en place. Fin de café matinal, eux ajustent la disposition de leur étal en attendant le client.
Hier journée de labeur jusque tard à propos d’un texte à réviser, plein de petits détails qui ne collaient pas tout à fait. Sans doute est-ce l’origine de mon empâtement ce matin, comme un besoin de récupérer la force de travail. Sinon je tatônne dans ma thèse, plusieurs pistes sont possibles et je ne vois pas encore très bien laquelle emprunter – un classique. Mais je sens que, à coups d’arrivées très matinales au bureau, ça avance presque malgré moi, et que la rédaction de cet été me tend les bras, se fait déjà sentir même s’il est encore trop tôt pour la poser à plat.
Mais quand même j’ai bu un verre avec C. et S. au pub « George IV » de l’université qui était tout plein du vendredi soir. C. est une ancienne camarade d’il y a 10 ans qui était toute étonnée de me croiser par hasard à la LSE où elle aussi est en échange, pour toute l’année. S. venait justement la rejoindre pour partir en vacances aujourd’hui au Maroc, faire du surf, pour deux semaines. C’est vrai que c’était curieux de les retrouver là, dix ans déjà que nous avons quitté la salle de cours qui nous rassemblait, c’est comme si nous jouions au ping-pong à distance, chacun dans nos branches. J’ai été frappé par l’apparente décontraction/fluidité/évidence de S. et C. dans leurs manières de parler de ces vacances alors qu’ils sont en fin de thèse, des autres professeurs qu’ils cotoient, ou dans leur rapport à l’international et aux Etats-Unis qui paraît être naturel/aller de soi. Tous les deux brillants à leur manière, du genre qui part de haut et qui va vite. C. m’a quand même paru stressée par sa thèse, mais au fond son problème est de savoir si elle va trouver un poste dans une prestigieuse université américaine (Los Angeles ?) ou bien en France (Rouen ?), donc …
Voilà, au fond, le léger écart entre le petit marché de « la zone » que j'observe ce matin et ces deux anciens camarades.
Vendredi 19 février 2016
Aujourd’hui, réveil de bon matin : écoute de la radio d’abord anglaise assez ennuyeuse où il était surtout question de savoir si le royaume allait ou non quitter l’Union Européenne et du discours du premier ministre David Cameron à Bruxelles aujourd’hui même, puis radio espagnole sur les négociations actuelles pour tenter de former un gouvernement. Envoi de nouvelles à Diana et Rafa, et à R. Petit café
Jeudi 18 février 2016
Quelle intense journée que celle d’hier, mais qui en même temps marque la fin de ces quelques tumultueuses semaines d’arrivée à Londres (depuis le 20 janvier). Donc ce matin, je vais au café, je m’attable, petit-déjeune, et j’écris.
En effet hier avait lieu la présentation sur laquelle je bosse comme un chien depuis mon arrivée. Etant invité par le directeur du département de sociologie, j’avais à cœur de faire bonne figure, de donner le change, et « qu’il en ait pour son argent ». Mais après quelques semaines de maniement de l’anglais et des données statistiques, je ne pouvais pas espérer crever le plafond. Je n’ai pas fait mauvaise figure, à défaut de faire mieux. Il fallait faire passer trois présentations en une heure et demie, et donc ça a été plutôt short.
Ensuite modern Tate gallery avec G., exposition de Calder avec ses sculptures aériennes, un peu décevantes.
En rentrant, un verre de vin rouge bio ramené d’une foire allemande par cette colocataire qui bosse dans le marketing d’une entreprise de produits biologiques.
Je ne sais pas très bien encore que penser au juste de cette ville.
Pêle-mêle : la question Israelo-palestinienne dont j’entends parler à l’université peut-être ici plus qu’en France, les prix auxquels il vaut mieux ne pas avoir à trop penser, les maisons en briques rouges noircies, bien se mettre à gauche sur la chaussée, une espèce d’hyper-correction des Anglais dans l’accueil de l’autre, dans le respect des règles, dans l’application des logiques de marché et d’inégale mise en concurrence à tout va.
Jeudi 4 février 2016
Moui, dans ma collocation tout se passe bien : cette lithuanienne pleine d’énergie pour tenir la maison et augmenter à tout prix les ventes de son magasin de vêtements pour monter dans la hiérarchie, cette autre qui parle à tout le monde comme à un chien, Francesco le petit italien qui travaille dans un club de nuit, une Française et son mec portugais qui pour rien au monde ne laisseraient la cuisine propre après leur passage et leurs soirées.
C’est comme si leur précarité laborieuse déteignait sur leur logement : le désordre dans la salle de bain, dans le couloir et sur les palliers, et dans la cuisine où tout est laissé à l’abandon.
L’italienne Konstanza détonne, par sa douceur transitoire, son anglais défaillant, et ses journées passées en jogging dans le canapédu salon pour digérer ce qui de loin resemble à une dépression de cheval (littéralement, de l’espagnol, « depresion de caballo »). Mais elle part la semaine prochaine à la Jamaïque pour trois mois, et est d’accord pour me prêter entre-temps son vélo.